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été exécutés. S’il a couché, comme c’est probable, à la Poza, il devrait être ici depuis près de deux heures. »

On sait comment le temps perdu à ramener les chevaux fugitifs avait retardé le départ de la cavalcade, et pourquoi don Estévan n’était pas encore arrivé.

Don Augustin achevait ces mots, quand une gracieuse et soudaine apparition eut lieu dans la salle ; c’était la fille de l’hacendero, la belle Rosarita. Comme si la cavalcade n’eût attendu que sa présence, un bruit de chevaux dans l’enceinte de l’hacienda et la lueur des torches qui brilla au milieu de l’obscurité annoncèrent la venue des hôtes qu’attendait don Augustin Pena.



CHAPITRE IX

DOÑA ROSARIO.


Pendant tout le trajet de la Poza jusqu’à l’hacienda del Venado, le silence avait été rarement rompu entre les deux cavaliers qui chevauchaient de compagnie.

Bien que Cuchillo n’eût pas renoncé à ses projets de vengeance contre Tiburcio, il avait dissimulé ses desseins sous un aspect de bonhomie qu’il savait prendre au besoin. Il avait essayé plusieurs fois de lire au fond de l’âme de son compagnon de cheval ; mais celui-ci se tenait sur la défensive, cherchant lui-même à pénétrer Cuchillo : car il n’oubliait pas que l’assassin d’Arellanos avait été blessé à la jambe dans la lutte suprême qui mit fin aux jours de son père adoptif. Cuchillo toutefois s’était défendu avec plus d’habileté qu’il n’en mettait dans l’attaque, et, en définitive, leur conversation à bâtons rompus n’avait été qu’une joute d’adresse dans laquelle aucun des deux champions n’avait été ni vainqueur ni vaincu.