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a-t-il donc quelques Indiens à exterminer près d’ici, que vous vous trouviez dans nos solitudes ? »

Pedro Diaz était en effet célèbre par sa haine pour les Indiens, son audace à les combattre et son adresse à se tirer des plus mauvais pas.

« Avant de vous répondre, permettez-moi, dit-il, de vous présenter le roi des gambusinos et le prince des musiciens, le seigneur don Diego Oroche, qui flaire l’or comme un chien flaire le gibier, et qui joue de la mandoline comme lui seul. »

L’individu présenté sous le nom d’Oroche salua gravement l’hacendero.

Il y avait cependant probablement longtemps que le tact si subtil dont parlait son interlocuteur n’avait eu l’occasion de s’exercer, ou les cartes avaient été bien défavorables au seigneur Oroche, car son extérieur n’était rien moins que confortable. Pour porter la main à son feutre, il n’eut pas besoin de déranger les plis du manteau dans lequel il était artistement drapé. Il lui suffit de choisir parmi les trous de ce manteau pour passer à l’aise sa main armée d’ongles durs et pointus, et dont la prodigieuse longueur indiquait un joueur de mandoline. Effectivement, il en portait une en sautoir.

Pendant qu’il s’inclinait courtoisement devant le riche propriétaire, de longues mèches d’une chevelure inculte tombèrent sur son visage, droites et roides comme les roseaux dont la mythologie couronne la tête des dieux qui président aux fleuves.

Quand ils furent assis dans le salon, Diaz prit la parole :

« Nous avons entendu dire qu’il était question à Arispe d’une expédition dans l’intérieur de l’Apacheria, et ce cavalier et moi nous nous sommes mis immédiatement en route pour y prendre part. Notre chemin nous a conduits à votre hacienda, seigneur don Augustin, et nous venons vous demander l’hospitalité jusqu’à demain. Au point du jour, nous nous remettrons en route pour Arispe.