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venait d’au delà de Tubac. Quelques jours auparavant, il avait rencontré deux voyageurs : l’un était ton père, l’autre lui était inconnu. Le vaquero, ayant eu à suivre la même route qu’eux, avait été amené, par l’inspection de leurs traces, à une conviction dont il me fit part : près d’un endroit où les deux voyageurs avaient bivaqué, l’herbe foulée et inondée de sang indiquait le théâtre d’une lutte horrible. Les empreintes sanglantes se continuaient jusqu’à une rivière, où probablement la victime avait été précipitée. Cette victime était Marcos ; car plus loin le vaquero avait reconnu la direction suivie par le meurtrier à la marque imprimée sur le sable par le pied de son cheval ; le cheval que montait cet homme bronchait parfois de la jambe gauche de devant ; en outre, dans la lutte, le meurtrier avait dû être blessé à la jambe, car une empreinte de pied plus lourde que l’autre indiquait évidemment qu’il boitait depuis peu. »

L’hacendero écoutait avec attention cette preuve de la merveilleuse sagacité de ses compatriotes, dont il avait tous les jours tant d’occasions de se convaincre. Le moine continua son récit :

« Écoute, » reprit la mourante, « jure de venger Arellanos, et tu seras assez riche pour faire agréer tes vœux de la plus fière et de la plus riche, fût-ce de la fille de don Augustin Pena, pour laquelle ta passion ne m’a pas échappé. Aujourd’hui tu peux y penser sans folie, car tu peux être aussi riche que son père. Dis, jures-tu de poursuivre partout le meurtrier d’Arellanos ?

« Je le jure, » reprit Tiburcio.

« Alors, acheva le franciscain, la vieille femme remit à son fils un papier sur lequel Arellanos, en partant, avait tracé l’itinéraire de la route qu’il comptait suivre lui-même. « Avec les trésors que te fera trouver ce papier, » reprit la mourante, « tu auras de quoi corrompre, si tu le veux, la fille d’un vice-roi. Maintenant, mon enfant, que j’ai ton serment, laisse-moi me confesser à ce saint