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pierre à la porte de sa cabane ; car elle avait pu se traîner jusque-là pour attendre mon arrivée. « Béni soyez-vous, mon père, » me dit-elle ; « vous arrivez encore à temps pour recevoir ma dernière confession. Mais, si vous le permettez, pendant que vous vous reposerez un peu, Vous assisterez à ce que je vais dire à celui que j’ai toujours regardé comme mon fils, et à qui j’ai une vengeance à léguer quand je ne serai plus. »

— Eh quoi ! mon père, interrompit don Augustin, vous avez permis cette infraction à la loi de Dieu, qui dit : « La vengeance n’appartient qu’à moi ! »

— Pourquoi pas ? dit le moine ; dans ces déserts où nous n’avons pas de tribunaux, chacun ne doit-il pas les remplacer ? »

Après cette courte apologie, le moine continua.

« Je m’assis donc et j’écoutai.

« Ton père n’a pas été la victime des Indiens comme nous l’avons cru, » reprit la malade en s’adressant à Tiburcio ; « c’est son associé qui l’a égorgé pour s’emparer d’un secret que je te dirai tout à l’heure, mais à toi seul.

« — Dieu seul aussi, ma mère, » reprit Tiburcio, pourrait nous faire retrouver cet homme, qui nous est inconnu.

« — Dieu seul ! » s’écria la veuve d’un air de dédain. Est-ce là le langage d’un homme ? Quand les Indiens viennent dérober le bétail du vaquero, dit-il : Dieu seul pourrait m’apprendre ce qu’il est devenu ? Non ; il cherche, et son œil sait trouver sa trace. Aujourd’hui que je n’ai plus besoin de toi, tu feras comme le vaquero, et tu retrouveras l’assassin : c’est le dernier vœu de la femme qui a pris soin de ton enfance, et tu n’y manqueras pas.

« — J’obéirai, ma mère, » répondit le jeune homme.

« — Écoute ce qui me reste à te dire, » continua-t-elle. Le meurtre d’Arellanos n’est pas une supposition, c’est une réalité ; et voici ce que m’apprit un vaquero qui re-