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pratiqué selon l’usage des pays chauds, entretenait une fraîcheur perpétuelle. De fines nattes de Chine, curieusement travaillées, couvraient le carreau, composé de larges pierres de liais, et d’autres nattes, plus richement peintes, servaient de stores aux croisées.

Les murs, blanchis à la chaux, étaient rehaussés de quelques rares gravures enluminées dans leurs cadres dorés ; des butacas[1] en cuir, des tablettes d’encoignure sur lesquelles des braseros en argent offraient aux fumeurs des charbons couverts d’une cendre blanche, des chaises et un canapé en rotin de fabrique anglo-américaine, en composaient tout l’ameublement.

Sur une table d’un bois de balsamo poli, des jarres poreuses servaient à rafraîchir l’eau qu’elles contenaient. De larges tranches de pastèques offraient sur un vaste plat d’argent leur chair incarnadine, qu’un jus savoureux perlait de gouttelettes rosées. Des pitallas[2] épanouissaient la pourpre foncée de leurs graines à côté des pastèques et des grenades entr’ouvertes. Enfin des oranges, des grenadilles, des limons doux, tous les fruits des pays chauds réunis pour tenter et apaiser la soif, témoignaient des intentions hospitalières du seigneur don Augustin.

« Attendez-vous donc des hôtes ? demanda le moine à l’aspect de ces préparatifs.

— Don Estévan de Arechiza m’a fait prévenir de son arrivée pour ce soir avec une suite assez nombreuse, et je me mets en mesure de bien accueillir un hôte de son importance. Mais voyons, Fray José Maria, j’écoute ce que vous avez à me dire. »

Chacun s’assit sur un des fauteuils de cuir à bascule dont on a parlé, et, tandis que l’hacendero s’y balançait mollement, le cigare à la bouche, le moine commença en ces termes :

« Je trouvai la vieille femme couchée sur un banc de

  1. Grands fauteuils à bascules.
  2. Fruits d’une variété de cactus-vierge.