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désordre, pour me prier de pousser jusque chez lui entendre la confession de sa mère mourante ; dix lieues de plus qu’il me fallait faire. J’eus beau prétexter des occupations pour me dispenser d’accompagner ce jeune homme, je dus enfin céder à ses instances. Savez-vous qui c’était ?

— Comment le saurais-je ? reprit l’haeendero.

— Tiburcio, le fils adoptif du gambusino Marcos Arellanos.

— Comment ! sa mère est morte ! J’en suis fâché ; c’est un brave jeune homme, et je n’ai pas oublié que sans lui nous serions peut-être morts de soif, ma fille, mes gens et moi. Lui avez-vous dit que, s’il se trouvait sans ressources, il serait le bienvenu à l’hacienda del Venado ?

— Non ; car ce garçon nourrit une passion insensée pour votre fille, s’il faut vous le dire.

— Eh ! qu’importe, si ma fille ne l’aime pas ? reprit don Augustin ; mais l’eût-elle aimé, je me serais cru assez riche pour ne rien chercher chez l’homme qu’elle eût distingué par les qualités morales ou physiques que possède Tiburcio. Je n’avais rêvé pour gendre qu’un homme intelligent, assez brave pour défendre ces frontières contre les hordes d’Indiens, et j’aurais trouvé tout cela chez lui. Mais aujourd’hui j’ai pour Rosarita de plus hautes visées.

— Et peut-être n’auriez-vous pas eu tort, reprit gravement le moine. Ce que j’ai deviné… ce que j’ai… compris… pourrait faire de Tiburcio un gendre plus précieux encore que vous ne l’imaginez.

— Il est trop tard, dit l’hacendero ; ma parole est donnée, et je ne la retirerai pas.

— C’est cependant de lui que j’ai à vous entretenir, répliqua le moine, et, quoi qu’il en soit, peut-être ne serez-vous pas fâché de m’entendre. »

En ce moment, les deux cavaliers, après avoir dépassé l’estacade, étaient arrivés au pied d’un perron qui conduisait à un large vestibule, et de là au salon de l’hacienda.

C’était une vaste salle dans laquelle un courant d’air,