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huttes composait une espèce de petit village habité par les travailleurs à gages (peones) et leurs familles inféodés à l’hacienda, et qui, dans les jours de danger, pouvaient venir, en renforçant sa garnison habituelle, y chercher asile et protection.

Telle était l’hacienda où nous allons précéder les voyageurs que nous avons laissés sur la route.

Don Augustin Pena, le propriétaire, était un homme opulent. Outre une riche mine d’or qu’il exploitait à peu de distance de là, d’innombrables troupeaux de grand et petit bétail, de chevaux, de mules, de taureaux, bondissaient et mugissaient en pleine liberté, au milieu des vastes savanes ou des forêts profondes qui couvraient les vingt lieues de terrain annexées à l’hacienda. Une pareille étendue de territoire n’est rien moins que rare dans un pays où certaines propriétés sont aussi grandes qu’un département français.

Cependant il n’était bruit, depuis Guymas jusqu’à ces frontières, que de l’opulence du seigneur don Augustin et de l’immense héritage que sa fille, doña Rosario[1], ou plus gracieusement Rosarita, apporterait à celui qu’elle prendrait pour époux. Aussi la jeune fille était-elle le but de bien des ambitions. Sa beauté, du reste, eût suffi, sans la fortune qu’elle devait apporter, à la mort de son père, pour justifier toutes ces prétentions.

Dans ces provinces reculées, le type andalou s’est généralement affaibli ; mais il n’avait rien perdu chez elle de sa distinction, et, par un heureux contraste, la pureté de ce type se joignait à la fraîcheur des filles du Nord. Les joues roses de la fille de don Augustin prêtaient plus d’éclat encore à ses yeux noirs, à la couronne de cheveux d’ébène qui ornait sa tête, et le soleil torride n’avait rien ôté à la blancheur de son teint. En un mot, ses mains, ses pieds, sa taille et cette tournure qui, selon l’expres-

  1. Abréviation de Maria del Rosario, Marie du Rosaire.