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ces hommes couchés au clair de lune ou près du foyer, il y en avait un qui aurait pu lui dire le nom qu’il devait porter.

Mais, en mourant, la veuve d’Arellanos lui avait du moins révélé un secret peut-être plus intéressant que celui de sa naissance.

La révélation d’un trésor caché ouvrit tout à coup devant les yeux de Tiburcio une échappée lumineuse sur le monde des rêves ; un rêve lui-même brillant comme l’étoile qui se détache du brouillard vint luire à ses yeux. Une vision que, dans sa condition première, il n’osait caresser que comme une chimère, prit tout à coup les proportions de la réalité. Une distance infranchissable sembla se combler comme par un pont jeté par la main des fées sur un abîme.

L’or fait de ces miracles quotidiens. N’avait-il pas en perspective la possession d’un riche placer ? Tiburcio alors osa reprendre un rêve interrompu, se rappeler ce qu’il savait de son passé, et dominer l’avenir.

Il reprit ce rêve depuis le commencement. En se reportant de deux ans en arrière, les barrières élevées par le doute et le découragement s’écroulèrent devant lui, comme une sombre décoration au sifflet du machiniste ou devant la baguette d’un enchanteur.

De même que dans cette nuit où il rêvait aujourd’hui, une vaste forêt ouvrait à ses yeux ses arcades assombries par le crépuscule. Un homme, une jeune fille, des serviteurs à cheval se présentaient à lui, inquiets, égarés dans un dédale inextricable de lianes et de broussailles, et le saluaient comme l’ange protecteur qui devait les guider vers le but qu’ils cherchaient. L’homme, les serviteurs ne lui apparaissaient plus que confusément ; mais les joues pâles, les yeux noirs, les cheveux d’ébène de la jeune fille brillaient de tout l’éclat merveilleux qui l’avait alors frappé. Comme deux ans auparavant, Tiburcio les rassurait, les remettait dans le chemin perdu, et cheminait avec la cavalcade pendant deux jours trop vite écoulés.