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« Voyez, leur dit-il, ce que peuvent deux rifles du Kentucky et un bon couteau, entre des mains accoutumées à les manier. »

Mais l’obscurité les empêcha d’abord de rien distinguer, et ce ne fut qu’au bout de quelques secondes qu’ils purent voir les cadavres des jaguars étendus par terre, et le chasseur appelé Dormilon occupé à baigner d’eau froide une longue déchirure qui commençait derrière l’oreille, suivait l’épaule en un large sillon, et se terminait au delà de la poitrine.

« C’est égal, disait Dormilon, un couteau vaut mieux que les griffes les plus acérées ; je vous prie d’en juger. »

En effet, l’estafilade qu’il avait reçue, quoique profonde, n’avait déchiré que les chairs, tandis que l’un des jaguars, étendu près de lui, perdait ses entrailles par une énorme ouverture de plus d’un pied de longueur. Ç’avait été le coup de grâce de l’animal, qu’une balle n’avait pu tuer. Quant à l’autre, le plomb du chasseur l’avait atteint si près de la cervelle, que la mort avait été instantanée.

« N’y a-t-il pas, demanda Dormilon, une hacienda près d’ici, où l’on peut vendre deux belles peaux de tigre et une troisième de puma ?

— Certes, reprit Benito, nous allons nous-mêmes à l’hacienda del Venado, qui n’est qu’à quelques lieues, et où indépendamment de cinq piastres qu’on vous donnera pour chaque peau, vous aurez encore une prime de dix autres piastres.

— Qu’en dites-vous, Canadien ? poussons-nous jusque-là ?

— Oui, certes, quarante-cinq piastres en valent la peine ; et, quand nous aurons dormi un instant, nous nous mettrons en route pour cette hacienda. Mais nous y arriverons, je pense, plus vite que vous, à moins que vous ne remettiez la main sur vos chevaux, dont il n’est pas resté un seul à votre disposition.