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être vivement frappé par l’apparition subite de ces deux aventuriers. Il avait enfoui depuis longtemps dans son souvenir le cadre de son principal roman. Il en possédait désormais les héros. Leurs traits durent se graver profondément dans son esprit, car tels ils se sont montrés à lui en réalité, tels, et à peu près dans les mêmes circonstances, ils apparaissent dans le neuvième chapitre du Coureur des bois.

En rapprochant du roman l’épisode vrai du voyage, la coïncidence est manifeste. Nous avons tenu à la signaler pour montrer que bien peu suffit pour féconder le génie ; mais encore faut-il que la semence tombe dans un terrain prêt à la recevoir. Les yeux de Ferry se sont fixés pendant une heure sur les deux chasseurs ; pendant une heure, il a causé avec eux, notant leurs gestes, scrutant leurs regards, étudiant leur attitude. Eux partis, il a imaginé leurs aventures ; il leur a donné leur nom ; ils sont devenus Bois-Rosé et Pepe. Tout cela est l’œuvre de la puissante imagination de Ferry. Mais l’intensité de vie des deux personnages, mais la splendeur vraie des sites au milieu desquels ils se meuvent, sont dues à la réalité surprise. Voilà comment nous comprenons l’utile mélange de la vérité et de l’imagination, le précieux secours que se prêtent la mémoire vivement frappée et l’esprit créateur. Assurément, rien de ce qu’accomplissent Bois-Rosé et Pepe n’a