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gres, que vous empêchez de venir se désaltérer à la Poza. Si donc vous voulez que nous vous en débarrassions, il faut nous éteindre ça et promptement, et nous laisser faire.

— Et votre compagnon, demanda don Estévan, qui se surprit à désirer attacher à son expédition deux recrues de cette espèce, où est-il ?

— Il va venir. Ainsi, à l’œuvre ; autrement nous vous laissons vous tirer d’affaire comme vous pourrez. »

Il y avait tant d’autorité, tant de conviction dans le ton du chasseur, et d’imperturbable assurance dans les assertions qu’il avança pour faire éteindre le foyer, que don Estévan dut céder à ses désirs. Les braises furent dispersées. Alors l’Américain fit entendre un second cri de coyote (chacal), et une minute ne s’était pas écoulée, que le compagnon du chasseur arrivait à son tour près de l’Américain.

Quoique le dernier venu fût d’une taille assez élevée, il ne paraissait guère qu’un pygmée en comparaison du premier. Il n’était pas moins bizarrement accoutré que lui, mais l’obscurité empêchait de bien distinguer ses traits et son costume. Nous reparlerons de lui également plus tard.

« Enfin, votre diable de feu est éteint, dit-il, faute de bois sans doute, et nul de vous n’a osé aller en chercher.

— Non, dit le premier Américain ; j’ai obtenu de ces messieurs qu’ils voulussent bien s’en rapporter à nous pour les débarrasser de deux animaux qu’ils empêchaient humainement d’aller se désaltérer.

— Hum ! murmura le sénateur, je ne sais pas si nous avons agi prudemment. Et si vous les manquez ?

— Les manquer ! et comment cela ? reprit le dernier venu. Parbleu ! si je n’avais pas craint de faire fuir l’autre tigre en en tuant un, je l’ai eu plusieurs fois au bout de ma carabine, et j’allais céder à la tentation, quand le signal convenu avec mon associé, un glapissement de chacal, m’a fait accourir.

— J’espérais que je finirais par convaincre ces voya-