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Gaspar avait appris, en allant chercher le colonel à San Carlos, le sac de l’hacienda par les bandits, la fuite de Marianita, le cruel supplice infligé à don Fernando, et il eût pu instruire son maître de tous ces événements ; car, arrivé sur les bords du lac, il l’avait parfaitement reconnu au clair de la lune.

Craignant toutefois que, s’il se laissait voir de don Mariano, celui-ci ne rétractât l’ordre de délivrer à don Rafael le message de Gertrudis, ou appréhendant, tout au moins un nouveau retard, il avait coupé à travers le bois pour gagner l’endroit où était le colonel, et c’est pourquoi, de peur qu’on ne reconnût sa voix, il n’avait pas voulu répondre à l’appel du Zapote.

Les bords du lac, naguère si bruyants, étaient de nouveau plongés dans un morne silence ; le moment approchait où ils allaient redevenir une profonde solitude.

Don Cornelio et ses deux compagnons avaient disparu.

Le cortége funèbre s’était déjà mis en marche pour l’hacienda de San Carlos. Une mort cruelle venait de réunir les âmes des deux jeunes époux ; un même brancard funèbre devait aussi réunir leurs corps inanimés. Les Indiens qui le portaient marchaient silencieusement.

Don Mariano, accompagné de ses serviteurs auxquels s’étaient joints Gaspar et el Zapote, suivait le convoi. Derrière eux, à une grande distance, les cavaliers de l’escorte du colonel fermaient la marche.

Le silence solennel de la mort régnait partout.

Rien ne nous empêche maintenant d’opposer au tableau funèbre qui vient de passer sous nos yeux celui de la félicité la plus parfaite qu’il soit donné à l’homme de goûter ici-bas : délicieuses extases d’un amour partagé, souvent précédées de longs et cruels tourments, mais qu’on n’a jamais achetées trop cher !

Seuls, deux personnages, à une égale distance de la