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À quelque distance du père et de la fille, plus près du lac, trois des domestiques de don Mariano, assis et faisant le guet, essayaient en causant de tromper la longueur d’une nuit sans sommeil.

Le quatrième domestique s’était éloigné pour chercher le gué qu’il avait promis de trouver ; ses compagnons attendaient son retour.

À travers les derniers arbres de la lisière du bois, la colline enchantée laissait voir sa sombre et morne silhouette.

Dans quelque pays que ce soit, tout ce qui semble échapper aux lois ordinaires de la nature ne manque pas d’agir puissamment sur l’imagination du vulgaire ; les gens de don Mariano étaient loin de faire exception à cette règle.

« J’ai cependant entendu affirmer, dit l’un d’eux, que les eaux épaisses et fangeuses de ce lac étaient jadis, il y a bien longtemps de cela, d’une limpidité merveilleuse, et que ce n’est que depuis qu’il a été consacré au démon qu’elles ont changé de nature.

— Au démon ! interrompit un autre ; alors pourquoi Castrillo a-t-il choisi cet endroit maudit pour un lieu de halte ?

— Parce que les bandits d’Arroyo n’oseraient pas s’aventurer par ici, sans doute, répliqua le troisième.

— C’est cela même, reprit le premier, qui semblait en savoir plus long que ses camarades ; on dit qu’il s’est passé de terribles choses sur cette montagne verdâtre, et que c’est pour voiler aux yeux celles qui s’y passent encore, que le Dieu des anciens Indiens, qui n’est que Satan lui-même, a étendu ce voile de brouillard à son sommet.

— Mais alors, si on ne court pas de risques ici de la part des hommes, n’y a-t-il pas d’autres dangers dont un chrétien doive s’effrayer ? Que s’est-il donc passé au sommet de cette montagne, dont la forme et la couleur