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— Espérons ! dit le colonel avec effort.

— Peut-être aussi la faiblesse de doña Gertrudis aura-t-elle été cause d’un retard de deux ou trois jours dans son voyage, c’est ce qu’il y aurait de plus heureux.

— Que dites-vous ? dona Gertrudis serait donc malade ?

— Eh quoi ! répondit le serviteur de don Fernando, vous qui semblez la connaître, ignorez-vous donc qu’elle n’est plus que l’ombre d’elle-même, et qu’un chagrin secret la mine et la dévore… Mais qu’avez-vous à trembler ainsi ? reprit-il en sentant, sous son bras passé autour du colonel, les secousses nerveuses qui l’agitaient.

— Ce n’est rien, répliqua précipitamment don Rafael ; et dites-moi… connaît-on la cause… de ce chagrin profond ?

— Qui ne le connaît ? Doña Gertrudis aimait un jeune officier au point que, dit-on, elle n’avait pas hésité à faire vœu de couper sa chevelure si celui qu’elle aimait échappait à un grand danger. Le sacrifice a été consommé, et cependant celui qui devait peut-être la vie à ses prières l’a oubliée.

— Eh bien ? reprit don Rafael d’une voix entrecoupée.

— Eh bien ! la pauvre jeune fille meurt lentement de cet oubli… et voilà tout… Ah ! seigneur cavalier, vous êtes malade, vous dis-je, continua le domestique ; je sens votre cœur bondir sous mon bras comme s’il voulait s’échapper de votre poitrine ; ralentissez l’allure de votre cheval.

— C’est vrai ; j’étouffe, répondit péniblement don Rafael ; je suis sujet à des palpitations… à des… »

Le colonel chancelait sur son cheval, et son compagnon fut obligé de le soutenir pour qu’il ne tombât pas.

« Merci, mon ami, merci ! reprit enfin d’une voix faible le colonel, dont la vigueur herculéenne ployait sous le poids de son émotion ; je me sens mieux… continuez cette histoire… elle m’intéresse… Cet homme avait-il