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le cheval restait insensible aux injures de son maître, comme aux sollicitations incessantes de ses éperons. Alors celui-ci comparait tristement, en se retournant sur sa selle, l’espace qu’il avait franchi avec celui qui lui restait à traverser encore pour sortir de ces savanes désolées ; puis il s’abandonnait avec une sorte de désespoir à l’allure pacifique de sa monture.

Le jeune cavalier marcha encore longtemps dans cet état alternatif d’exaspération et d’oppression d’esprit, jusqu’au moment où le soleil, devenu presque perpendiculaire, annonça l’heure de midi. La chaleur croissait à mesure que le soleil montait, et, pour comble de malheur, la brise tombée avait même cessé de soulever la poussière. Les tiges desséchées des herbes restaient dans une immobilité complète, et le cheval épuisé menaçait de rester immobile comme elles.

Consumé de soif, accablé de fatigue, le cavalier mit pied à terre, et, laissant la bride sur le cou de sa monture incapable de trahir sa confiance en se sauvant, il s’avança vers un massif de nopals espérant y trouver quelques fruits pour se désaltérer. Le hasard voulut que son espoir ne fût pas trompé, et, après avoir cueilli et dépouillé de leur enveloppe épineuse une douzaine de figues de Barbarie, dont la pulpe fade mais juteuse rafraîchit sa bouche desséchée, le cavalier remonta sur sa bête et reprit sa route interrompue.

Il était près de trois heures quand le voyageur isolé atteignit enfin un petit village, situé à quelque distance des plaines interminables qu’il achevait de parcourir. Mais, comme dans tous ceux qu’il avait rencontrés depuis un jour, les cabanes en étaient désertes et abandonnées ; sans pouvoir apprendre le motif de cette désertion générale, le voyageur continua son chemin.

Chose étrange ! loin de toute rivière ou de tout cours d’eau, il trouvait de temps à autre, et à son profond étonnement, des canots, des pirogues hissés au sommet des