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— Pendant ce temps, un personnage à l’allure timide, et comme effrayé de se voir en si nombreuse et si bonne compagnie, entra dans la salle et s’approcha des deux généraux. Ce personnage était de stature moyenne, mais robuste. Son teint était pâle et brun ; une chevelure épaisse, et rude couvrait son front, et de larges favoris venaient rejoindre sa bouche ; son nez était camard, sa lèvre supérieure assez épaisse, et la seule chose qui rehaussât son visage était deux yeux noirs et fort vifs, sous des sourcils froncés qui ne formaient qu’une seule ligne.

« Cet homme s’approcha d’Hidalgo et d’Allende d’un pas timide et quelque peu gauche. À son aspect, Hidalgo laissa échapper un geste de contrariété, et bien qu’il fût évident qu’il le reconnaissait, il lui demanda brusquement ce qu’il désirait. Le nouveau venu balbutia, bégaya quelques paroles, et finit par dire qu’il désirait la place de chapelain de l’armée insurgée. « Je ferai mieux pour vous, » dit le généralissime, répondant sans les avoir écoutées à quelques observations hasardées par le solliciteur.

« Le but manifeste d’Hidalgo était de l’envoyer bien loin de lui. Il demanda une feuille de papier qu’on ne lui procura pas sans peine, et après y avoir écrit quelques lignes, il la remit au nouveau venu en lui disant d’une voix qui retentit dans toute la salle : « Voici votre brevet de colonel et la mission d’aller révolutionner les provinces du Sud, en commençant par prendre Acapulco. »

« Les provinces du Sud étaient les plus fidèles à la couronne d’Espagne. Acapulco était une des plus fortes places de la vice-royauté ; aussi, à ces paroles, un rire moqueur, bien que dissimulé par respect pour le vénérable Hidalgo, parcourut la salle, tandis que le nouveau colonel pâlit, non pas de colère, mais d’une joie orgueilleuse, et sortit en gardant le silence que causent toujours les grandes émotions et les résolutions héroïques.