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Quand elle revint à elle, don Rafael était parti.

Le dernier rayon du soleil dorait la cime des collines, lorsqu’il les franchit. Pour réparer le temps perdu, il poussa impétueusement son cheval, qui en descendit le versant opposé presque au galop, avec ce hennissement rauque devenu particulier chez lui, depuis l’opération que le muletier lui avait fait subir.

Arrivé au niveau de la plaine, don Rafael prêta l’oreille. Il espérait entendre les cris des combattants, le tumulte d’un siège ; mais le plus profond, le plus morne silence régnait dans la vallée.

Le front sombre et le cœur palpitant, l’officier continua sa course, son mousqueton à la main. Toujours même silence : pas un cri dans la solitude, pas la lueur d’un fusil dans l’ombre crépusculaire.

Tout semblait dormir du sommeil de la mort.

Don Rafael n’était jamais venu au manoir paternel. Il espéra un instant s’être trompé de route, bien que l’aspect des lieux fût tel qu’on le lui avait décrit : une allée bordée de frênes et de suchilès, puis l’hacienda del Valle à l’extrémité.

Son cheval franchit comme un trait toute la longueur de l’avenue.

Un vaste bâtiment s’élevait devant lui, désert et silencieux comme un tombeau ; la porte était moitié close.

Tout à coup le cheval fit un écart violent. Dans l’obscurité, ou plutôt dans le trouble de ses idées, don Rafael, n’avait pas vu l’objet dont s’effrayait l’animal : c’était un cadavre.

La tête manquait à son corps inanimé.

À cet horrible spectacle, l’officier poussa un cri auquel l’écho seul répondit. Il arrivait trop tard ; tout était consommé. La rage, le désespoir, toutes les passions furieuses qui déchirent le cœur de l’homme avaient passé dans ce cri terrible.

La tête du cadavre était suspendue par les cheveux à