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se planta en face du Général et le regardant bien dans le blanc des yeux :

— Cela vaut encore mieux, prononça-t-il du ton d’un homme sûr de son affaire, cela vaut infiniment mieux que de faciliter au dehors les intelligences des prisonniers.

Surpris, Gévrol perdit presque contenance et sa rougeur seule fut un aveu.

Mais Lecoq n’abusa pas. Que lui importait que le Général, ivre de jalousie, l’eût trahi ! Ne tenait-il pas une éclatante revanche !

Il n’avait pas trop d’ailleurs du reste de sa journée pour méditer son plan de bataille et songer à ce qu’il dirait en portant le billet de M. Segmuller.

Son thème était bien prêt, quand le lendemain sur les onze heures, il se présenta chez M. d’Escorval.

— Monsieur est dans son cabinet avec un jeune homme, lui répondit le domestique, mais comme il ne m’a rien dit vous pouvez entrer…

Lecoq entra, le cabinet était vide.

Mais dans la pièce voisine, dont on n’était séparé que par une portière de velours, on entendait des exclamations étouffées et des sanglots entremêlés de baisers…

Assez embarrassé de son personnage, le jeune policier ne savait s’il devait rester ou se retirer, quand il aperçut sur le tapis une lettre ouverte…

Évidemment, cette lettre, toute froissée, contenait l’explication de la scène d’à côté. Mû par un sentiment instinctif plus fort que sa volonté, Lecoq la ramassa. Il y était écrit :

Celui qui te remettra cette lettre est le fils de Marie-Anne, Maurice, ton fils… J’ai réuni et je lui ai donné toutes les pièces qui justifient sa naissance…

C’est à son éducation que j’ai consacré l’héritage de ma pauvre Marie-Anne. Ceux à qui je l’avais confié ont su en faire un homme.

Si je te le rends, c’est que je crains pour lui les souillures de