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prévu une visite domiciliaire et préparé une comédie de leur façon. Nous en serions pour nos frais.

Il avait fini par parler à demi-voix, et la curiosité ardait le père Absinthe.

— Pardon, fit-il, je ne comprends pas bien…

— Inutile, papa !… Donc, il est clair qu’il nous faudrait un commencement de preuve matérielle… Oh !… peu de chose : la preuve, seulement, d’une démarche faite par quelqu’un de l’hôtel de Sairmeuse près d’un de nos témoins…

Il s’arrêta, les sourcils froncés, la pupille dilatée, immobile, en arrêt…

Il découvrait parmi toutes les circonstances de son enquête, une circonstance qui s’ajustait à ses desseins.

Il revoyait par la pensée Mme Milner, la propriétaire de l’hôtel de Mariembourg, dans l’attitude qu’elle avait la première fois qu’il l’avait aperçue.

Oui, il la revoyait, hissée sur une chaise, le visage à hauteur d’une cage couverte d’un grand morceau de lustrine noire, répétant avec acharnement trois ou quatre mots d’allemand à un sansonnet, qui s’obstinait à crier : « Camille !… où est Camille ! »

— Évidemment, reprit tout haut Lecoq, si Mme Milner, qui est Allemande et qui a un accent allemand des plus prononcés, eût élevé cet oiseau, il eût parlé l’allemand ou il eût eu tout au moins l’accent de sa maîtresse… Donc, il lui avait été donné depuis peu de temps… par qui ?

Le père Absinthe commençait à s’impatienter.

— Sérieusement, fit-il, que dites-vous ?

— Je dis que si quelqu’un, homme ou femme, à l’hôtel de Sairmeuse, porte le nom de Camille, je tiens ma preuve matérielle… Allons, papa, en route…

Et sans un mot d’explication, il entraîna son compagnon au pas de course.

Arrivé rue de Grenelle-Saint-Germain, Lecoq s’arrêta