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que simplement vêtue, tout en noir, qui avait exactement la tournure de la duchesse.

— C’est bien elle, se dit-il, avec ce costume subalterne… Pourquoi ?…

S’il eût été à pied, il fût rentré, certainement. Il était à cheval, il poussa la bête sur les traces de Mme Blanche, qui remontait la rue de Grenelle.

Elle marchait très-vite, sans tourner la tête, tout occupée à maintenir sur son visage une voilette très-épaisse.

Arrivée à la rue Taranne, elle se jeta plutôt qu’elle ne monta dans un des fiacres de la station.

Le cocher vint lui parler par la portière, puis remontant lestement sur son siège, il enveloppa ses maigres rosses d’un de ces maîtres coups de fouet qui trahissent un pourboire princier…

Le fiacre avait déjà tourné la rue du Dragon, que Martial, honteux et irrésolu, retenait encore son cheval à l’endroit où il l’avait arrêté, à l’angle de la rue des Saints-Pères, devant le bureau de tabac.

N’osant prendre un parti, il essaya de se mentir à lui-même.

— Bast ! pensa-t-il en rendant la main à son cheval, qu’est-ce que je risque à avancer ?… Le fiacre est sans doute bien loin, et je ne le rejoindrai pas.

Il le rejoignit cependant, au carrefour de la Croix-Rouge, où il y avait comme toujours un encombrement…

C’était bien le même, Martial le reconnaissait à sa caisse verte et à ses roues blanches.

L’encombrement cessant, le fiacre repartit.

Debout sur son siège, le cocher rouait ses chevaux de coups, et c’est au galop qu’il longea l’étroite rue du Vieux-Colombier, qu’il côtoya la place Saint-Sulpice et qu’il gagna les boulevards extérieurs, par la rue Bonaparte et la rue de l’Ouest.

Toujours trottant, à cent pas en arrière, Martial réfléchissait.