Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/519

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mme Blanche ne se trompait pas.

C’était bien l’aîné des Chupin qui était là, celui à qui le vieux maraudeur mourant avait confié son secret.

Depuis son arrivée à Paris, il battait le pavé du matin au soir, demandant partout et à tous l’adresse du marquis de Sairmeuse. On venait de lui indiquer l’hôtel Meurice, et il accourait.

Ce n’est toutefois qu’après s’être bien assuré de l’absence de Martial qu’il avait demandé Mme la marquise.

Il attendait le résultat de sa démarche sous le porche, debout, les mains dans les poches de sa veste, sifflotant, lorsque le domestique revint en lui disant :

— On consent à vous recevoir, suivez-moi.

Chupin suivit ; mais le domestique, extraordinairement intrigué et tout brûlant de curiosité, ne se hâtait pas, espérant tirer quelque éclaircissement de ce campagnard.

— Ce n’est pas pour vous flatter, mon garçon, dit-il, mais votre nom a produit un fier effet sur Mme la marquise !

Le prudent paysan dissimula sous un sourire niais la joie dont l’inonda cette nouvelle.

— Comme ça, poursuivit le domestique, elle vous connaît ?

— Un petit peu.

— Vous êtes pays ?

— Je suis son frère de lait.

Le domestique n’en crut pas un mot ; il soupçonnait bien autre chose, vraiment ! Cependant, comme il était arrivé à la porte de l’appartement du marquis de Sairmeuse, il ouvrit et poussa Chupin dans le salon.

Le mauvais gars avait d’avance préparé une petite histoire, mais il fut si bien ébloui de la magnificence du salon, qu’il resta court et béant. Ce qui l’interloquait surtout, c’était une grande glace, en face de la porte, où il se voyait en pied, et les belles fleurs du tapis qu’il craignait d’écraser sous ses gros souliers.