XLIV
C’était un honnête homme, ce vieux médecin de Vigano, qui avait tout quitté pour voler au secours de Marie-Anne. Son intelligence était supérieure, comme son cœur, il connaissait la vie pour avoir aimé et souffert, et il devait à l’expérience deux vertus sublimes : l’indulgence et la charité.
À un tel homme, une soirée de causerie suffisait pour pénétrer Marie-Anne. Aussi, pendant les quinze jours qu’il resta caché à la Borderie, mit-il tout en œuvre pour rassurer cette infortunée qui se confiait à lui, pour la rassurer, pour la réhabiliter en quelque sorte à ses propres yeux.
Réussit-il ? Assurément il l’espéra.
Mais dès qu’il se fut éloigné, Marie-Anne, livrée aux inspirations de la solitude, ne sut plus réagir contre la tristesse qui de plus en plus l’envahissait.
Beaucoup, cependant, à sa place, eussent repris leur sérénité et même se fussent réjouies.
N’avait-elle pas réussi à dissimuler une de ces fautes qui, d’ordinaire, à la campagne surtout, ne se cèlent jamais !
Qui donc la soupçonnait, excepté peut-être l’abbé Midon ? Personne, elle en était convaincue, et c’était vrai.
Chupin lui-même, son ennemi, ne se doutait de rien. Préoccupé de surveiller les démarches de Martial à Montaignac, il n’était pas venu une seule fois rôder autour de la Borderie pendant le séjour du docteur.
Donc Marie-Anne n’avait plus rien à craindre et elle avait tout à espérer.