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Mais, d’un autre côté, le marquis de Courtomieu n’était-il pas cause qu’on accusait un Sairmeuse d’une trahison dont l’idée seule soulevait le cœur de dégoût ?…

Enfoncé dans un fauteuil, les traits contractés par la colère, il suivait les mouvements des domestiques, quand Mme Blanche entra.

Elle se posa devant lui, croisant les bras, et d’une voix sourde :

— Qui donc vous retenait ici, monsieur le duc, prononça-t-elle, pendant que je restais seule, exposée aux dernières humiliations… Ah !… si j’étais un homme !… Tous vos hôtes se sont enfuis, monsieur, tous !…

Brusquement M. de Sairmeuse se dressa :

— Eh bien, s’écria-t-il, qu’ils aillent au diable !…

C’est que de tous ces hôtes qui venaient de quitter ses salons, rompant ainsi violemment avec lui, il n’en était pas un seul que le duc de Sairmeuse regrettât.

Il savait bien qu’il n’avait pas un ami, lui dont l’étonnant orgueil ne reconnaissait pas un égal.

Donnant une fête pour le mariage de son fils, il y avait convié tous les gentilshommes de la contrée. Ils étaient venus… bien ! Ils s’enfuyaient… bon voyage !

Si le duc enrageait de cette désertion, c’est qu’elle lui présageait avec une terrible éloquence la disgrâce tant redoutée.

Cependant, il essaya de se mentir à lui-même.

— Ils reviendront, dit-il à Mme Blanche, nous les reverrons repentants et humbles ! Fiez-vous à moi !… Mais où donc peut être Martial ?

Les yeux de la jeune femme flamboyèrent, mais elle ne répondit pas.

— Serait-il sorti avec le fils de ce scélérat de Lacheneur ? reprit le duc.

— Je le crois…

— Il ne saurait tarder à rentrer…

— Qui sait !…

M. de Sairmeuse donna sur la cheminée un coup de poing à briser le marbre.