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ami de « l’autre, » mille tonnerres !… serait encore de ce monde !

— Le baron respire encore, caporal, dit un des officiers.

Cela tenait si bien du prodige, que Bavois parut un moment confondu.

— Ah !… s’il ne fallait que donner un de mes bras pour le sauver !… s’écria-t-il enfin.

— S’il peut être sauvé, il le sera, mon ami… Ce brave prêtre que vous voyez là, est, parait-il, un fameux médecin… Il examine, en ce moment, les blessures affreuses de M. d’Escorval… C’est sur son ordre que nous nous sommes procuré et que nous avons allumé cette bougie qui, d’un instant à l’autre, peut nous mettre tous nos ennemis sur les bras… mais il n’y avait pas à balancer…

Bavois regardait de tous ses yeux, mais vainement. De sa place, il ne distinguait qu’un groupe confus, à quelques pas.

— Je voudrais bien voir le pauvre homme ?… demanda-t-il tristement.

— Approchez, mon brave, ne craignez rien, avancez !…

Il s’avança, et à la lueur tremblante d’une bougie que tenait Marie-Anne, il vit un spectacle qui le remua, lui qui pourtant, plus d’une fois, avait fait la « corvée du champ de bataille. »

Le baron était étendu à terre, tout de son long, sur le dos, la tête appuyée sur les genoux de Mme d’Escorval…

Il n’était pas défiguré ; la tête n’avait point porté dans la chute, mais il était pâle comme la mort même, et ses yeux étaient fermés…

Par intervalles, une convulsion le secouait, il râlait, et alors une gorgée de sang sortait de sa bouche, glissait le long de ses lèvres et coulait jusque sur sa poitrine…

Ses vêtements avaient été hachés, littéralement, et on