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— Un jeune paysan qui n’a pas voulu se nommer.

— Un jour de mariage, il faut donner audience à tout le monde, fit Martial.

Et souriant et gai, il descendit.

Dans le vestibule, encombré de plantes rares et d’arbustes, un jeune homme était debout, fort pâle, dont les yeux avaient l’éclat de la fièvre.

En le reconnaissant, Martial ne put retenir une exclamation de stupeur.

— Jean Lacheneur !… fit-il… imprudent !…

Le jeune homme s’avança.

— Vous vous étiez cru délivré de moi, prononça-t-il d’un ton amer. Dans le fait, je suis revenu de loin… mais vous pouvez encore me faire prendre par vos gens…

La figure de Martial s’empourpra sous l’insulte, mais il resta calme.

— Que me voulez-vous ? demanda-t-il froidement.

Jean tira de sa veste un pli cacheté.

— Vous remettre ceci, répondit-il, de la part de Maurice d’Escorval.

D’une main fiévreuse, Martial rompit le cachet. Il lut la lettre d’un coup d’œil, pâlit comme pour mourir, chancela et ne dit qu’un mot :

— Infamie !…

— Que dois-je dire à Maurice ? insista Jean. Que comptez-vous faire ?

Grâce à un prodige d’énergie, Martial avait dompté sa défaillance. Il parut réfléchir dix secondes, puis tout à coup saisissant le bras de Jean, il l’entraîna vers l’escalier en disant :

— Venez… je le veux… vous allez voir…

En trois minutes d’absence, les traits de Martial s’étaient à ce point décomposés qu’il n’y eut qu’un cri, quand il reparut au salon, une lettre ouverte d’une main, traînant de l’autre un jeune paysan que personne ne reconnaissait.

— Où est mon père ?… demanda-t-il d’une voix af-