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fini, c’est terriblement long !… Nous n’en finirons jamais, si chacun des accusés doit nous tenir autant !…

Il se retournait déjà vers ses collègues pour recueillir leur opinion, quand se ravisant tout à coup il proposa au conseil de réunir toutes les causes, à l’exception de celle du sieur d’Escorval.

— Ainsi, objectait-il, on abrégerait singulièrement « la besogne, » puisqu’on n’aurait que deux jugements à prononcer… Ce qui n’empêchera pas la défense d’être individuelle, ajouta-t-il.

Les avocats se récrièrent. Un jugement « en bloc, » comme disait le duc, leur enlevait l’espoir d’arracher au bourreau un seul des malheureux prévenus.

— Quelle défense prononcerons-nous, disaient-ils, lorsque nous ne savons rien de la situation particulière de chacun des accusés ! Nous ignorons jusqu’à leurs noms !… Il nous faudra les désigner par la forme de leurs vêtements et la couleur de leurs cheveux…

Ils suppliaient le tribunal de leur accorder huit jours de délai, quatre jours, vingt-quatre heures !… Efforts inutiles ! La proposition du président avait été adoptée, il fut passé outre.

En conséquence, chacun des prévenus fut appelé d’après le rang qu’il occupait sur le banc. Il s’approchait du bureau, donnait son nom, ses prénoms, son âge, indiquait son domicile et sa profession… et il recevait l’ordre de retourner à sa place.

À peine laissa-t-on à six ou sept accusés le temps de dire qu’ils étaient absolument étrangers à la conspiration, qu’on leur avait mis la main au collet le 5, en plein jour, pendant qu’ils s’entretenaient paisiblement sur la grande route… Ils demandaient à fournir la preuve matérielle de ce qu’ils avançaient… ils invoquaient le témoignage des soldats qui les avaient arrêtés…

M. d’Escorval, dont la cause se trouvait disjointe, ne fut pas appelé. Il devait être interrogé le dernier.

— Maintenant la parole est aux défenseurs, dit le duc