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vet de lieutenant-général, une commission qui lui attribuait un commandement militaire à Montaignac.

Le marquis de Courtomieu, qui avait à faire oublier les adulations prodiguées à l’empereur, venait d’obtenir la présidence de la Cour prévôtale, instituée à Montaignac, pour y servir les haines et les terreurs de la Restauration…

Mlle Blanche triomphait. Après cette fête, déclaration publique, Martial se trouvait lié.

En effet, pendant une quinzaine, il ne la quitta pour ainsi dire pas. Elle le pénétrait d’un charme dont la douceur infinie lui faisait presque oublier la violence de ses sensations près de Marie-Anne.

Malheureusement, l’orgueilleuse héritière ne sut pas résister au plaisir de risquer une allusion assez obscure, du reste, à ce qu’elle appelait la « bassesse des anciennes inclinations du marquis. » Elle trouva l’occasion de dire qu’elle faisait travailler Marie-Anne pour l’aider à vivre.

Martial se contraignit à sourire, mais l’indignité du procédé le forçait de plaindre Marie-Anne…

Et le lendemain même, il courait chez M. Lacheneur.

À la chaleur de l’accueil qui lui fut fait, toutes ses rancunes se fondirent, tous ses soupçons s’évaporèrent… La joie de le revoir éclatait même dans les yeux de Marie-Anne ; il le remarqua bien…

— Oh !… je l’aurai !… pensa-t-il.

C’est qu’en réalité on était bien heureux de son retour. Fils du commandant des forces militaires de Montaignac, gendre ou autant dire du président de la Cour prévôtale, Martial devenait un instrument précieux.

— Par lui, avait dit Lacheneur, nous aurons l’œil et l’oreille dans le camp ennemi… Le marquis de Sairmeuse, le fat, sera notre espion…

Il le fut, car il eut vite repris l’habitude de ses visites quotidiennes. Le mois de décembre était venu, les chemins étaient défoncés, mais il n’était pluie, neige, ni boue capables d’arrêter Martial.

Il arrivait vers dix heures, s’asseyait sur un escabeau,