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« Mon cher Gustave,

Demain, dimanche soir, ne manque pas de venir au bal de l’Arc-en-Ciel, selon nos conventions. Si tu n’as plus d’argent, passe chez moi, j’en laisse à mon concierge qui te le remettra.

Sois là-bas à huit heures. Si je n’y suis pas déjà, je ne tarderai pas à paraître.

Tout va bien,

Lacheneur. »

Hélas !… qu’apprenait-elle, cette lettre ! Que le mort s’appelait Gustave ; qu’il était en relations avec Lacheneur, lequel lui avançait de l’argent pour une certaine chose, et que de plus ils s’étaient rencontrés à l’Arc-en-Ciel quelques heures avant le meurtre.

C’était peu, bien peu !… C’était quelque chose, cependant ; c’était un indice, et dans ces ténèbres absolues, il suffit parfois, pour se guider, de la plus chétive lueur.

— Lacheneur !… grommela Gévrol, le pauvre diable prononçait ce nom dans son agonie…

— Précisément, insista le père Absinthe, et même il voulait se venger de lui… Il l’accusait de l’avoir attiré dans un piège… Le malheur est que le dernier hoquet lui a coupé la parole…

Lecoq se taisait. Le commissaire de police lui avait tendu la lettre, et il l’étudiait avec une incroyable intensité d’attention.

Le papier était ordinaire, l’encre bleue. Dans un des angles était un timbre à demi-effacé ne laissant distinguer que ce nom : Beaumarchais.