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Lecoq releva bien huit ou dix empreintes de la fugitive aux souliers plats, mais ce fut tout.

Le terrain, il est vrai, ne se prêtait guère à une exploration de cette nature. La circulation avait été assez active dans la rue du Chevaleret, et s’il restait encore un peu de neige sur les trottoirs, le milieu de la chaussée était transformé en une rivière de boue.

— Les gaillardes ont-elles enfin songé que la neige pouvait les trahir, grommela le jeune policier, ont-elles pris la chaussée ?

À coup sûr, elles n’avaient pu traverser comme l’instant d’avant ; car de l’autre côté de la rue s’étendait le mur d’une fabrique.

— N, i, ni, prononça le père Absinthe, nous en sommes pour nos frais.

Mais Lecoq n’était pas d’une trempe à jeter le manche après la cognée pour un échec.

Animé de la rage froide de l’homme qui voit lui échapper l’objet qu’il croyait saisir, il recommença ses recherches, et bien lui en prit.

— J’y suis !… cria-t-il tout à coup, je devine, je vois !…

Le père Absinthe s’approcha. Il ne voyait ni ne devinait, lui, mais il n’en était plus à douter de son compagnon.

— Regardez là, lui dit Lecoq ; qu’apercevez-vous ?…

— Les traces laissées par les roues d’une voiture qui a tourné court.

— Eh bien !… papa, ces traces expliquent tout. Arrivées à cette rue, nos fugitives ont aperçu dans le lointain les lanternes d’un fiacre qui s’avançait, revenant de