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V


Cette nuit-là les vagabonds réfugiés aux environs de la Poivrière dormirent peu, et encore d’un pénible sommeil, coupé de sursauts, troublé par l’affreux cauchemar d’une descente de police.

Réveillés par les détonations de l’arme du meurtrier, croyant à quelque collision entre des agents de la sûreté et un de leurs camarades, ils restèrent sur pied pour la plupart, l’œil et l’oreille au guet, prêts à détaler comme une bande de chacals à la moindre apparence de danger.

D’abord, ils ne découvrirent rien de suspect.

Mais plus tard, sur les deux heures du matin, lorsqu’ils se rassuraient, le brouillard s’étant un peu dissipé, ils furent témoins d’un phénomène bien fait pour raviver toutes leurs inquiétudes.

Au milieu des terrains déserts, que les gens du quartier appelaient « la plaine, » une lumière petite et fort brillante, décrivait les plus capricieuses évolutions.

Elle se mouvait comme au hasard, sans direction apparente, traçant les plus inexplicables zigzags, rasant le sol parfois, d’autres fois s’élevant, immobile par instants et la seconde d’après filant comme une balle.

En dépit du lieu et de la saison, les moins ignorants d’entre les coquins crurent à un feu follet, à une de ces