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le cabaret à ce moment !… Un mot de Gévrol et nous pincions la bande entière. Quelle déveine et quel malheur !…

Le désintéressement de Lecoq n’allait pas jusqu’à partager les regrets de son collègue.

L’erreur de Gévrol, il la bénissait, au contraire. N’était-ce pas à elle qu’il devait l’information de cette affaire que de plus en plus il jugeait mystérieuse, et que cependant il espérait pénétrer ?

— Pour finir, reprit-il, le complice ne tarde pas à reparaître, il a vu la scène, il a eu peur, il s’est hâté !… Il tremble que l’idée ne vienne aux agents qu’il a vus de battre les terrains vagues. C’est à la femme aux petits pieds qu’il s’adresse, il lui démontre la nécessité de la fuite, et que chaque minute perdue peut devenir mortelle. À sa voix, elle rassemble toute son énergie, elle se lève et s’éloigne au bras de sa compagne.

L’homme leur a-t-il indiqué la route à suivre, la connaissaient-elles ? Nous le saurons plus tard. Ce qui est acquis, c’est qu’il les a accompagnées à quelque distance pour veiller sur elles.

Mais au-dessus de ce devoir de protéger ces deux femmes, il en a un plus sacré, celui de secourir s’il le peut son complice. Il rebrousse donc chemin, repasse par ici, et voici sa dernière piste qui s’éloigne dans la direction de la rue du Château-des-Rentiers. Il veut savoir ce que deviendra le meurtrier, il va se placer sur son passage…

Pareil au dilettante qui sait attendre, pour applaudir, la fin du morceau qui le transporte, le père Absinthe avait su contenir son admiration.