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lue. Pendant que le meurtrier se rendait à la Poivrière, avec les deux femmes, son compagnon, je l’appellerai son complice, venait l’attendre ici. C’est un homme d’un certain âge, de haute taille, — il a au moins un mètre quatre-vingts, — coiffé d’une casquette molle, vêtu d’un paletot marron de drap moutonneux, marié très-probablement, car il porte une alliance au petit doigt de la main droite…

Les gestes désespérés de son vieux collègue le contraignirent de s’arrêter.

Ce signalement d’un individu dont l’existence n’était que bien juste démontrée, ces détails précis donnés d’un ton de certitude absolue, renversaient toutes les idées du père Absinthe et renouvelaient ses perplexités.

— Ce n’est pas bien, grondait-il, non, ce n’est pas délicat. Tu me parles de gratification, je prends la chose au sérieux, je t’écoute, je t’obéis en tout… et voilà que tu te moques de moi. Nous trouvons quelque chose, et au lieu d’aller de l’avant, tu t’arrêtes à conter des blagues…

— Non, répondit le jeune policier, je ne raille pas et je ne vous ai rien dit encore dont je ne sois matériellement sûr, rien qui ne soit la stricte et indiscutable vérité.

— Et tu voudrais que je croie…

— Ne craignez rien, papa, je ne violenterai pas vos convictions. Quand je vous aurai dit mes moyens d’investigation, vous rirez de la simplicité de ce qui, en ce moment, vous semble incompréhensible.

— Va donc, fit le bonhomme d’un ton résigné.

— Nous en étions, mon ancien, au moment où le