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— Parbleu !… comment l’aurais-je deviné !… Il avait même prononcé le nom que vous venez de dire, un nom en euse…

Une idée bizarre, inouïe, absolument inadmissible, venait de traverser l’esprit du jeune policier.

— Si c’était lui, cependant !… se disait-il. Si Mai et le duc de Sairmeuse n’étaient qu’un seul et même personnage ?…

Mais il repoussa cette idée, et même il se gourmanda de l’avoir eue.

Il maudit cette disposition de son imagination qui le poussait à voir dans tous les événements des côtés romanesques et invraisemblables.

À quoi bon chercher des solutions chimériques lorsque les circonstances étaient si simples ?… Qu’y avait-il de surprenant à ce qu’un prévenu qu’il supposait un homme du monde, sût le jour choisi par le duc de Sairmeuse pour recevoir ses amis ?

Cependant il n’avait plus rien à attendre de Couturier ; il le remercia, et après une poignée de main au chef de poste, il sortit appuyé au bras du père Absinthe.

Car il avait besoin d’un appui. Il sentait ses jambes plus molles que du coton, la tête lui tournait, il avait des éblouissements.

Il ne pouvait comprendre comment, par quelle magie, par quels sortilèges il avait perdu cette partie, dont il avait accepté avec tant de confiance les hasards.

Et il l’avait perdue misérablement, honteusement, sans lutte, sans résistance, d’une façon ridicule… oui, ridicule. S’être cru le génie de son état et être ainsi joué sous jambe !…