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ma table. Naturellement, nous nous mettons à causer, et il me fait l’effet d’un camarade. À propos de je ne sais quoi, il me dit qu’il a des habits à vendre, et qu’il ne sait comment s’en défaire. Moi, bon garçon, je le conduis chez un ami qui les lui achète…

C’était un service, n’est-ce pas ? Comme de juste il m’offre quelque chose, moi je réponds par une tournée, il propose des petits verres, moi je paie un litre… si bien que de politesses en politesses, à minuit j’y voyais double…

C’est ce moment qu’il choisit pour me parler d’une affaire qu’il connaît, et qui doit, jure-t-il, nous enrichir tous deux du coup. Il s’agit d’enlever toute l’argenterie d’une maison colossalement riche.

« Rien à risquer pour toi, me disait-il, je me charge de tout, tu n’auras qu’à m’aider à escalader un mur de jardin et à faire le guet ; je réponds d’apporter en trois voyages plus de couverts et de plats d’argent que nous n’en pourrons porter. »

Dame !… c’était tentant, n’est-ce pas ? Vous eussiez topé d’emblée à ma place. Eh bien !… moi, non, j’ai hésité. Tout soûl que j’étais, je me méfiais.

Mais l’autre insiste, il me jure qu’il connaît les habitudes de la maison, que tous les lundis il y a grand gala, et que ces jours-là, comme on veille tard, les domestiques laissent tout à la traîne… Alors, ma foi ! je le suis…

Une fugitive rougeur colorait les joues pâles de Lecoq.

— Es-tu sûr, demanda-t-il vivement, es-tu certain que cet individu t’a dit que le duc de Sairmeuse reçoit tous les lundis ?