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qui ordonne de le rechercher. Il lui manque bien, ainsi qu’il est spécifié, le petit doigt de la main gauche…

— Ah !… c’est une preuve, gémit le père Absinthe.

— N’est-ce pas ?… Eh bien ! j’en sais une plus concluante. Couturier est une vieille connaissance à moi. Je l’ai déjà eu en pension toute une nuit, et il m’a reconnu comme je le reconnaissais.

À cela, pas d’objection possible. C’est donc d’un tout autre ton que Lecoq reprit :

— Du moins, camarade, vous me permettrez bien d’adresser quelques questions à notre prisonnier ?

— Oh !… tant que vous voudrez. Après toutefois que nous aurons barricadé la porte et placé deux de mes hommes devant. Ce Couturier est un gaillard qui adore le grand air et qui nous brûlerait très-bien la politesse…

Ces précautions prises, l’homme au feutre fut tiré du violon où il était enfermé.

Il s’avança tout souriant, ayant déjà recouvré cette insouciance des vieux repris de justice qui, une fois arrêtés, sont sans rancune contre la police, pareils en cela aux joueurs qui, ayant perdu, tendent la main à leur adversaire.

Du premier coup, il reconnut Lecoq.

— Ah !… c’est vous, dit-il, qui m’avez « servi… » Vous pouvez vous vanter d’avoir un fier jarret et une solide poigne. Vous êtes tombé sur mon dos comme du ciel, et la nuque me fait encore mal de vos caresses…

— Alors, fit le jeune policier, si je vous demandais un service, vous ne me le rendriez pas ?