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— Enfin ? qui avons-nous pris ? demanda le père Absinthe impatienté.

— Un coquin de la pire espèce, un forçat en rupture de ban, recherché inutilement depuis trois mois, et dont vous avez certainement le signalement en poche, Joseph Couturier, enfin !…

Aux derniers mots du chef de poste, Lecoq devint si affreusement pâle, que le père Absinthe étendit les bras, croyant qu’il allait tomber.

On s’empressa de lui avancer une chaise, et il s’assit.

— Joseph Couturier ! bégayait-il, sans avoir, en apparence, conscience de ce qu’il disait ; Joseph Couturier !… un forçat en rupture de ban !…

Le chef de poste ne comprenait certes rien au trouble affreux du jeune policier, non plus qu’à l’air déconfit du père Absinthe.

— Mâtin !… observa-t-il, le succès vous fait une fière impression, à vous autres !… Il est vrai que la prise est fameuse. Je vois d’ici le nez de Gévrol, qui hier encore se prétendait seul capable d’arriver à ce dangereux coquin.

Ainsi, jusqu’à la fin, les événements se moquaient à plaisir du jeune policier. Quelle ironie que ces compliments, après un échec sans doute irréparable ! Ils le cinglèrent comme autant de coups de fouet, et si cruellement, qu’il se dressa, retrouvant toute son énergie.

— Vous devez vous tromper, dit-il brusquement au chef de poste, cet homme n’est pas Couturier.

— Je ne me trompe pas, rassurez-vous. Son signalement se rapporte trait pour trait à celui de la circulaire