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Comme il traversait la chambre à coucher, il eut l’honneur d’entrevoir M. le duc de Sairmeuse, par la porte entr’ouverte d’une petite salle de bains de marbre blanc.

— Eh bien !… cria gaiement le duc, le malfaiteur est-il toujours invisible ?…

— Toujours, monseigneur !… répondit respectueusement le jeune policier.

Le valet de chambre ne partageait pas la bonne humeur de son maître.

— Je pense, messieurs les agents, dit-il, que vous pouvez vous épargner la peine de visiter l’appartement de Mme  la duchesse. C’est un soin dont nous nous sommes chargés, les femmes et moi, et nous avons regardé jusque dans les tiroirs…

Sur le palier, le vieux valet de pied, qui ne s’était pas permis d’entrer, attendait les agents de la sûreté.

Il avait sans doute reçu des ordres, car il leur demanda poliment s’ils n’avaient besoin de rien, et s’il ne leur serait pas agréable, après une nuit de fatigues, d’accepter une tranche de viande froide et un verre de vin.

Les yeux du père Absinthe étincelèrent. Il pensa, probablement, que dans cette demeure quasi royale on devait manger et boire des choses exquises, telles qu’il n’en avait pas goûté de sa vie.

Mais Lecoq refusa brusquement, et il sortit de l’hôtel de Sairmeuse, entraînant son vieux compagnon.

Le pauvre garçon avait hâte de se trouver seul. Depuis plusieurs heures, il avait eu besoin de toute la puissance de sa volonté pour ne rien laisser paraître de sa rage et de son désespoir.