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demi septier d’eau-de-vie, et, le dos au mur, les yeux fermés, il paraissait sommeiller et écoutait.

Mai avait pris la parole à son tour, et il narrait son histoire telle qu’il l’avait contée au juge, depuis le meurtre jusqu’à son évasion, sans oublier les soupçons de la police et de la justice à l’endroit de son individualité, soupçons qui l’avaient bien faire rire, disait-il.

Cependant il se fût tenu pour très-chanceux, il le déclarait, s’il eût eu de quoi regagner l’Allemagne. Mais l’argent lui manquait et il ne savait comment s’en procurer. Il n’avait même pas réussi à se défaire du vêtement à lui appartenant, qu’il avait là dans un paquet.

Là-dessus, l’homme au feutre jura qu’il avait trop bon cœur pour laisser un camarade dans l’embarras. Il connaissait, dans la rue même, un négociant de bonne composition ; il offrit à Mai de l’y conduire.

Pour toute réponse, Mai se redressa en disant : « Partons !… » Et ils se mirent en route, ayant toujours Lecoq sur leurs talons.

Ils descendirent d’un bon pas jusqu’en face de la rue du Fer-à-Moulin, et là, ils s’engagèrent dans une allée étroite et sombre.

— Courez, l’ancien, dit aussitôt Lecoq au père Absinthe, courez demander au concierge si cette maison n’a pas deux issues.

La maison n’avait que cette entrée sur la rue Mouffetard. Les agents attendirent.

— Nous sommes découverts ! murmurait le jeune policier, je le parierais. Il faut que le prévenu m’ait reconnu ou que le garçon de l’hôtel de Mariembourg ait donné mon signalement au complice !…