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croit bien avoir une issue pour nous échapper avec son secret.

Le prévenu longea ainsi les boulevards jusqu’au passage Vendôme. Il le traversa et gagna le Temple.

Bientôt le père Absinthe et son jeune collègue le virent s’arrêter à la voix d’une de ces obstinées marchandes qui considèrent comme leur proie tous les passants de ces parages et prétendent les déshabiller ou les habiller… au choix.

La marchande faisait l’article, et Mai résistait faiblement. Il finit par céder et disparut dans la boutique.

— Il y tenait, murmura le père Absinthe. Voici qu’il a trouvé à vendre ses frusques… À quoi bon !… puisqu’il a de la monnaie ?

Le jeune policier hocha la tête d’un air soucieux.

— Il soutient son rôle, répondit-il, et il tient surtout à changer de costume. N’est-ce pas surtout la première préoccupation d’un prisonnier qui a réussi à s’évader ?

Il se tut. Mai reparaissait métamorphosé de la tête aux pieds.

Il était maintenant vêtu d’un pantalon de grosse toile bleue et d’une sorte de vareuse de laine noire. Un foulard à carreaux lui entourait le cou, et il était coiffé d’une casquette à double fond mou, qu’il portait sur l’oreille, un peu en arrière, à la crâne.

Réellement, il n’avait pas, en son genre, la mine plus rassurante que Lecoq ; à décider lequel on eût préféré rencontrer au coin d’un bois, on eût hésité.

Lui, paraissait heureux de sa transformation, comme s’il se fut senti plus à l’aise et plus libre sous des vêtements auxquels il était accoutumé.