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avait parlé au père Absinthe sans y croire, se décidait en sa faveur.

Le prévenu chancelait aux premiers pas qu’il fit dans la rue. Son visage trahissait l’angoisse suprême du noyé qui sent s’enfoncer la frêle planche sur laquelle il fondait son seul espoir de salut.

Mais que s’était-il passé ? Lecoq voulait le savoir.

Il modula d’une certaine façon un vigoureux coup de sifflet, signal convenu pour avertir son compagnon qu’il lui abandonnait la poursuite, et un coup de sifflet pareil lui ayant répondu, il entra dans la boutique.

Le marchand d’habits était encore à son comptoir. Lecoq ne s’amusa pas à parlementer. Il exhiba sa carte, preuve de sa profession, et d’un ton bref demanda des renseignements.

— Que voulait l’homme qui sort d’ici ?…

Le négociant parut se troubler.

— C’est tout une histoire, balbutia-t-il.

— Contez-la-moi ! ordonna Lecoq, surpris de l’embarras de cet homme.

— Oh ! c’est bien simple. Il y a une douzaine de jours de cela, je vois entrer ici un individu, portant un paquet sous le bras, qui demande à me parler de la part d’un de mes « pays, » qu’il me nomme.

— Vous êtes Alsacien ?

— Oui, monsieur !… Pour lors, je vais avec ce particulier chez le marchand de vins du coin, il demande une bouteille de supérieur, et quand nous avons trinqué, il me demande si je veux consentir à garder chez moi le paquet qu’il porte, jusqu’à ce qu’un de ses cousins vienne me le réclamer. Crainte d’erreur, ce cousin devait me