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Il ne tarda pas à le savoir. Une boutique de marchand de vieux habits s’étant rencontrée, Mai y entra avec un empressement visible.

— Eh ! eh !… murmura le jeune policier, je parierais volontiers que ce soi-disant saltimbanque a été étudiant, et qu’il lui est arrivé de vendre par ici le superflu de sa garde-robe pour aller danser à la Chaumière…

Il s’était réfugié en face, sous une porte cochère, et semblait fort occupé à allumer une cigarette. Le père Absinthe crut pouvoir s’approcher sans inconvénient.

— Eh bien !… monsieur Lecoq, dit-il, voici notre homme en train de troquer ses habits de drap contre des vêtements grossiers. Il demandera du retour, on lui en donnera. Vous qui me disiez ce matin : « Mai sans le sou…, c’est la plus belle carte de notre jeu ! »

— Bast ! avant de nous désoler, attendons. Qui nous dit qu’on va lui donner de l’argent ? Les marchands d’habits n’achètent guère aux passants que sous la condition d’aller les payer à domicile.

Le père Absinthe, là-dessus, s’éloigna. Il se payait de ces raisons, mais non Lecoq, qui les lui donnait.

Au dedans de lui, le jeune policier s’adressait les injures les plus fortes.

Encore une étourderie, une faute, une arme laissée aux mains de l’ennemi.

Comment lui, qui se croyait si ingénieux, n’avait-il pas su prévoir ce qui arrivait ? Il était si facile de ne laisser en possession du prévenu que ses misérables loques de prison !

Son repentir fut moins cuisant, quand il vit Mai sortir de la boutique comme il y était entré. La chance, dont il