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Il était vêtu d’une méchante blouse de laine noire et d’un pantalon à carreaux trop large, retenu à la taille par une ceinture de cuir. Ses bottes trahissaient des courses enragées dans les boues de la banlieue, sa casquette était ignoble, mais sa cravate de foulard rouge prétentieusement nouée ne pouvait être qu’un présent de l’amour.

Il avait le teint blême, l’œil cerné, la mine louche, la barbe rare. Ses cheveux jaunâtres collés aux tempes, étaient coupés carrément au-dessus de la nuque, et rasés en dessous, comme pour épargner de la besogne au bourreau.

À voir sa démarche, le balancement de ses hanches, le mouvement de ses épaules, à examiner sa façon de tenir une cigarette et de lancer un jet de salive entre ses dents, Polyte Chupin lui eût tendu la main comme à un ami, à un « camaro, » à un « zig. »

On était au 14 avril, le temps était beau, l’atmosphère tiède, les cimes des marronniers des Tuileries verdoyaient à l’horizon, ce garnement devait être content de vivre, heureux de ne rien faire.

Il allait et venait, le long de ce quai de l’Horloge, que foulent, aux heures matinales, tant de pieds honteux ; partageant son attention entre les passants et des tireurs de sable qui travaillaient sur la Seine.

Parfois, il traversait la chaussée et allait dire quelques mots à un respectable et vieux monsieur à lunettes et à longue barbe, proprement mis, ganté de filosèle, qui avait toutes les allures d’un petit rentier, et qui paraissait avoir pour les boutiques d’opticien une curiosité particulière.