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— Oh ! monsieur, je ne dis pas cela. Je suis même persuadé que depuis l’affaire du billet, le directeur a redoublé de vigilance… Mais, enfin, ce mystérieux meurtrier avait des intelligences au Dépôt, nous en avons eu la preuve matérielle, évidente, irrécusable, et de plus…

Il s’arrêta devant l’expression de sa pensée, comme tous ceux qui sentent bien que ce qu’ils vont dire paraîtra une énormité.

— Et de plus ?… insista le juge intrigué.

— Eh bien ! donc, monsieur, tenez, je serai complètement franc avec vous… Je trouve que Gévrol jouit au Dépôt d’une liberté trop grande ; il y est comme chez lui, il va, vient, monte, descend, sort et rentre, sans que personne jamais songe à lui demander ce qu’il fait, où il va, ce qu’il veut… Pour lui, pas de consigne, et il ferait voir au directeur, qui est un bien honnête homme, des étoiles en plein midi… Moi, je me défie de Gévrol…

— Oh !… monsieur Lecoq !…

— Oui, je le sais, l’accusation est téméraire, mais on n’est pas maître de ses pressentiments et Gévrol m’inquiète. Le prévenu savait-il, oui ou non, que je l’observais du grenier et que j’avais surpris un premier billet ? Évidemment oui, sa dernière scène le démontre…

— Tel est mon avis.

— Comment donc a-t-il su cela ?… Il ne l’a pas deviné, sans doute. Voici huit jours que je me mets l’esprit à la torture pour trouver la solution de ce problème… J’y perds mes peines. L’intervention de Gévrol explique tout.