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cheux qu’une comédie si bien montée n’ait pas eu de succès !…

Ce mot tira le juge de ses réflexions.

— Une comédie indigne !… prononça-t-il, et que je n’aurais jamais autorisée, si la passion d’arriver à la vérité ne m’eût aveuglé. C’est porter atteinte à la majesté de la justice que de la rendre complice de si misérables supercheries !…

Lecoq, à ces mots, devint blême, et une larme de rage brilla dans ses yeux.

C’était le second affront depuis une heure. Après l’insulte du prévenu, l’outrage de la prévention !…

— J’ai échoué, pensa-t-il, on me désavoue !… C’est dans l’ordre. Ah !… si j’avais réussi !…

Le dépit seul avait arraché à M. Segmuller ces dures paroles ; elles étaient dures, il les regretta et fit tout pour que Lecoq les oubliât.

Car ils se revirent les jours qui suivirent cette malheureuse tentative, et chaque matin ils avaient une longue conférence, quand le jeune policier venait rendre compte de ses démarches.

C’est que Lecoq cherchait toujours, avec une obstination que retrempaient d’incessants quolibets ; il cherchait, soutenu par une de ces rages froides qui entretiennent l’énergie durant des années.

Mais le juge était absolument découragé.

— C’est fini, disait-il ; tous les moyens d’investigations sont épuisés, je me rends. Le prévenu ira en cour d’assises et sera acquitté ou condamné sous le nom de Mai. Je ne veux plus penser à cette affaire.

Il disait cela, mais les soucis, le noir chagrin d’un