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Mais le juge n’en était pas à se soucier d’une expression plus ou moins mesurée.

Il fit signe à Mai de se taire, et, s’adressant à Lecoq :

— Montrez au prévenu, monsieur l’agent, dit-il, que vous avez découvert la clé de sa correspondance…

Brusquement le visage du prisonnier changea.

— Ah !… c’est cet agent de police, fit-il d’une voix sourde, qui a trouvé cela. Ce même agent qui assure que je suis un gros seigneur.

Il toisa dédaigneusement le jeune policier, et ajouta :

— Si c’est ainsi, mon compte est réglé. Quand la police veut absolument qu’un homme soit coupable, elle prouve qu’il est coupable, c’est connu… Et quand un prisonnier ne reçoit pas de billets, un agent qui veut de l’avancement sait lui en adresser.

Il arrivait, ce soi-disant saltimbanque, à une expression de mépris si écrasant, que Lecoq furieux parut près de lui répondre.

Il se contint, cependant, sur un signe du juge, et prenant sur la table le volume de Béranger, il prouva au prévenu que chaque chiffre du billet correspondait à un mot de la page indiquée, et que tous ces mots formaient bien un sens.

Cet accablant témoignage ne sembla pas embarrasser Mai. Après avoir admiré ce système de correspondance comme un enfant s’extasie devant un jouet nouveau, il déclara qu’il n’y avait que la police pour de telles machinations.

Que faire en présence d’une telle obstination ?…

M. Segmuller n’eut pas même l’idée d’insister, et il