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de dix sous en le priant de courir lui chercher un cahier de papier pelure d’oignon.

— Avec des pèlerins si rusés et si défiants, on ne doit négliger aucune précaution.

Quand il fut en possession du papier, lequel était, en vérité, tout semblable à celui du billet — il s’assit à la table du greffier, et s’armant du volume de Béranger il se mit à composer sa fausse missive, en copiant autant que possible la forme des chiffres du mystérieux correspondant.

Cette besogne ne lui prit pas dix minutes. Craignant de commettre quelque bévue, il avait reproduit les termes de la lettre véritable, se bornant à en altérer absolument le sens.

Voici ce qu’il écrivait :

« Je lui ai dit votre volonté ; elle ne se résigne pas. Notre sécurité est menacée. Nous attendons vos ordres. Je tremble. »

Cela fait, il roula le papier comme l’autre, et le remit dans la mie de pain, en disant :

— Demain nous saurons quelque chose !

Demain !… Les vingt-quatre heures qui séparaient le jeune policier de l’instant décisif, lui apparaissaient comme un siècle à traverser. À quels expédients se vouer, pour hâter le vol tardif du temps !…

Il expliqua clairement et minutieusement au père Absinthe ce qu’il aurait à faire, et sûr d’avoir été compris, certain qu’il serait obéi, il regagna sa soupente.

La soirée lui parut bien longue, et plus interminable la nuit, car il lui fut impossible de clore la paupière…