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soir, c’est qu’il est sûr qu’il n’y a rien à faire. Penses-tu voir quelque chose où il n’a rien vu ?…

— Je pense que Gévrol peut se tromper comme tout le monde. Je crois qu’il s’est fié trop légèrement à ce qui lui a semblé l’évidence ; je jurerais que cette affaire n’est pas ce qu’elle paraît être ; je suis sûr que, si vous le voulez, nous découvrirons ce que cachent les apparences.

Si grande que fut la véhémence du jeune policier, elle toucha si peu le vieux, qu’il bâilla à se décrocher la mâchoire en disant :

— Tu as peut-être raison, mais moi je monte me jeter sur le lit. Que cela ne t’empêche pas de chercher ; si tu trouves, tu m’éveilleras.

Lecoq ne donna aucun signe d’impatience et même, en réalité, il ne s’impatientait pas. C’était une épreuve qu’il tentait.

— Vous m’accorderez bien un moment, reprit-il. En cinq minutes, montre en main, je me charge de vous faire toucher du doigt le mystère que je soupçonne.

— Va pour cinq minutes.

— Du reste, vous êtes libre, papa. Seulement, il est clair que, si j’agis seul, j’empocherai seul la gratification que vaudrait infailliblement une découverte.

À ce mot gratification, le vieux policier dressa l’oreille. Il eut l’éblouissante vision d’un nombre infini de bouteilles de la liqueur verte dont il portait le nom.

— Persuade-moi donc, dit-il, en s’asseyant sur un tabouret qu’il avait relevé.

Lecoq resta debout devant lui, bien en face.