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a encore quelque fortune en Autriche, — à la baronne de Watchau…

— Et où demeure cette dame, madame la marquise ?…

— Au Père-Lachaise, depuis l’an dernier qu’elle s’est laissée mourir… Les femmes d’à-présent, un tour de valse et un courant d’air, et c’est fait d’elles !… de mon temps, après chaque galop, les jeunes filles vidaient un grand verre de vin sucré et se mettaient entre deux portes… Et nous nous portions comme vous voyez.

— Mais, madame, insista le jeune policier, la baronne de Watchau a dû laisser des héritiers, un mari, des enfants ?…

— Personne qu’un frère qui a une charge à la cour de Vienne, et qui n’a pas pu se déplacer. Il a envoyé l’ordre de vendre à l’encan tout le bien de sa sœur, sans excepter sa garde-robe, et on lui a expédié l’argent là-bas.

Lecoq ne put triompher d’un mouvement de désespoir.

— Quel malheur ! murmura-t-il.

— Hein !… Pourquoi ?… fit la vieille dame. De cette affaire, mon garçon, le diamant vous reste, et je m’en réjouis, ce sera une juste récompense de votre probité.

Si le hasard, à ses rigueurs, joint encore l’ironie, la mesure est comble. Ainsi la marquise d’Arlange ajoutait au supplice de Lecoq des raffinements inconnus, pendant qu’elle lui souhaitait, avec toutes les apparences de la bonne foi, de ne jamais retrouver la femme qui avait perdu ce riche bijou.