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— Ah çà ! êtes-vous muet ? insista la vieille dame en enflant la voix.

Sans répondre directement, le jeune policier tira de sa poche la précieuse boucle d’oreille, et la déposa sur la chiffonnière en disant :

— Je vous rapporte ceci, madame, que j’ai trouvé, et qui vous appartient, m’a-t-on dit.

Madame d’Arlange posa son tricot pour examiner le bijou.

— C’est pourtant vrai, dit-elle, après un moment, que ce bouton d’oreille m’a appartenu. C’est une fantaisie que j’eus, il y a quatre ans, et qui me coûta bel et bien vingt mille livres. Ah !… le sieur Doisty, qui me vendit ces diamants, dut gagner un joli denier. Mais j’ai une petite-fille à élever !… Des besoins d’argent pressants me contraignirent peu après à me défaire de cette parure, que je regrettai, et je la cédai.

— À qui ?… interrogea vivement Lecoq.

— Eh !… fit la marquise choquée ; qu’est-ce que cette curiosité !

— Excusez-moi, madame, c’est que je voudrais tant retrouver le propriétaire de cette jolie chose…

Madame d’Arlange regarda son jeune visiteur d’un air curieux et surpris :

— De la probité !… fit-elle. Oh ! oh !… Et pas le sou, peut-être…

— Madame !…

— Bon ! bon !… ce n’est pas une raison pour devenir rouge comme un coquelicot, mon garçon. J’ai cédé ces boucles à une grande dame allemande, — car la noblesse