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l’autre côté de la rue, il avisa un marchand de vins qui fumait sur le seuil de sa boutique.

Il alla droit à lui, jouant bien l’embarras d’un homme qui a oublié une adresse, et poliment lui demanda l’hôtel d’Arlange.

Sans un mot, sans daigner retirer sa pipe de sa bouche, le marchand étendit le bras.

Mais il était un moyen de le rendre communicatif, c’était d’entrer dans son établissement, de se faire servir quelque chose et de lui proposer de trinquer.

Ainsi fit le jeune policier, et la vue de deux verres pleins délia comme par miracle la langue du digne négociant.

On ne pouvait mieux tomber pour obtenir des renseignements, car il était établi dans le quartier depuis dix ans et honoré de la clientèle de messieurs les gens de maison.

— Même, dit-il à Lecoq, je vous plains si vous allez chez la marquise pour toucher une facture. Vous aurez le temps d’apprendre le chemin de sa maison avant de voir la couleur de son argent. En voilà une dont les créanciers ne laisseront jamais geler la sonnette.

— Diable !… elle est donc pauvre ?

— Elle !… On lui connaît bien une vingtaine de mille livres de rentes, sans compter cet hôtel. Mais vous savez, quand on dépense tous les ans le double de son revenu…

Il s’arrêta court, pour montrer au jeune policier deux femmes qui passaient, l’une âgée de plus de quarante ans et vêtue de noir, l’autre toute jeune, mise comme une pensionnaire.